Un système fiscal facteur de déséquilibres financiers

Pourquoi être divisés sur une question qui rassemble ? Alors que les amendements sur la défiscalisation de le pension alimentaire pleuvent, la non cohésion amène un rejet des successives propositions.

Nov 2021 : “Notre système fiscal favorise de fait les inégalités de genre : il est possible de défiscaliser une aide alimentaire quand on la paye mais elle est considérée comme un revenu quand elle est reçue. Or, le dernier rapport sur les ruptures familiales du Haut Conseil de la famille établit que dans 97% des cas la pension alimentaire est versée par les pères. 

Les inégalités économiques en fonction du genre sont pourtant fortes : l’écart de revenus entre les hommes et les femmes est de 25% en général, il est de seulement 9% entre célibataires contre 42% dans les couples hétérosexuels. Selon l’INSEE, si lors d’une rupture le niveau de vie des femmes a baissé en moyenne de 14,5 % entre 2008, où elles vivaient en couple, et 2010, où elles vivent sans conjoint. Il aurait augmenté de 5,5 % si elles étaient restées en couple.

Par ailleurs un tel système fait qu’il est plus avantageux pour un parent ayant des revenus significatifs de déduire une pension que de bénéficier l’avantage en impôt lié au quotient familiale qui est plafonné à 1570 euro par demi-part. En plus de favoriser les inégalités entre genres, la fiscalité encadrant les pensions alimentaires est injuste socialement.” (1)

Sept 2022Cet amendement vise à rétablir le dispositif de suppression de la fiscalisation pour le parent gardien, en supprimant les plafonds qui ne nous semblent pas justifiés. “(2)

Janv 2023Cette répartition de la charge fiscale est contestable au regard du différentiel de niveau de vie observé entre les hommes et les femmes après leur séparation. C’est sans compter l’objet de la pension alimentaire – sous forme de Contribution à l’éducation et l’entretien des enfants (CEEE), qui ne s’apparente pas au versement d’un revenu au parent gardien – à l’inverse de la prestation compensatoire, mais vise à la prise en charge par le parent non‑gardien de la part des dépenses en faveur de ses enfants qui lui revient au titre de son obligation alimentaire envers ces derniers. En témoigne notamment l’exemple canadien où la pension alimentaire est considérée comme une dépense interne au ménage de chacun des parents, ne la prenant pas en compte de dans le calcul de l’impôt.” (3)

Sept 2024Alors que la situation des familles devant bénéficier d’une pension alimentaire est très souvent fragile, le traitement fiscal des pensions alimentaires demeure défavorable aux parents qui ont la charge des enfants : la pension alimentaire versée par le parent n’ayant pas la charge de ses enfants est considérée comme un transfert de revenus entre ménages, du parent non gardien vers le parent gardien. Cette pension s’ajoute donc, après abattement de 10 %, au revenu imposable du parent qui assure la garde des enfants. Parallèlement, le parent qui verse la pension alimentaire peut la déduire de son revenu brut global.”(4)

Oct 2024 : “La situation des familles monoparentales est un sujet socialement écrasant mais politiquement invisibilisé depuis de trop nombreuses années, alors que ce statut concerne un quart des familles et que 83% des parents isolés sont des femmes. Ces familles rencontrent des difficultés spécifiques par rapport aux familles biparentales : près de 35 % des familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté contre 14 % pour les familles biparentales. Cette vulnérabilité s’aggrave pour les mères : le taux de pauvreté des enfants vivant seuls avec leur mère atteint 46 % contre 22 % pour les enfants vivant seuls avec leur père.”

Les pensions alimentaires agissent comme une “double peine” pour les parents isolés (la mère dans la plupart des cas), étant à la fois prises en compte dans les barèmes des prestations sociales et considérées comme un revenu taxable pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Cette pension est par ailleurs déduite de l’assiette utilisée pour le calcul de l’impôt sur le revenu du parent qui la verse (le père dans 97% des cas). Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) avait d’ailleurs signalé des “incohérences” et des “ruptures d’égalité” entre les parents en raison de ce système d’imposition, dans un rapport publié en 2021. Pour l’exercice 2025, le montant de la pension sera réintégré dans le calcul de l’impôt sur le revenu du parent verseur, et défiscalisé pour le parent qui la reçoit avec un plafonnement à 4 000€ par enfant et 12 000€ par an. Ainsi, cette mesure contribuera à réduire le déficit public, avec un gain estimé à 450 M€ par an pour l’État, ce gain s’expliquant par un taux d’imposition plus élevé pour le père que pour la mère dans la plupart des cas, du fait de revenus plus importants. (5)

Oct 2024 : “Avec cet amendement, la France rejoindrait le modèle fiscal dominant en Europe, puisque dans la plupart de nos pays voisins, la pension alimentaire n’est ni déductible du revenu du débiteur ni imposable pour le créancier.” (6)

Oct 2024 : “Alors que la proposition de loi sur le sujet d’Aude Luquet (Modem) a été rejetée au Sénat après avoir été adoptée dans l’hémicycle en 2022 et qu’une proposition de loi déposée par Hervé Juvin (Droite Républicaine) en septembre 2024 demande la défiscalisation totale des pensions alimentaires, il est essentiel de mettre à jour cette anomalie du droit fiscal français, qui est à l’opposé de ce qui se pratique à l’étranger

Cette mesure pourrait contribuer à réduire le déficit public d’environ 450 millions d’euros par an pour l’Etat, puisque le taux d’imposition des pères est souvent plus élevé en raison de revenus plus importants. Rappelons qu’un divorce est à l’origine d’une perte moyenne de niveau de vie de 19 % pour les femmes contre seulement 2,5 % pour les hommes, à laquelle il faut ajouter l’écart de rémunération, en moyenne de 28,5%, entre les hommes et les femmes compte tenu des inégalités en matière de travail.” (7)

(1) Aperçu de l’amendement (Ecologistes)

(2) Texte de la commission, n° 277-A0 – 16e législature – Assemblée nationale (Modem)

(3) Proposition de loi, n° 712 – 16e législature – Assemblée nationale (Républicains)

(4) Proposition de loi, n° 244 – 17e législature – Assemblée nationale (Républicains)

(5) Projet de loi de finances pour 2025 (no 324) Amendement n°I-2605 – Assemblée nationale (PS- Groupe transpartisans)

(6) Projet de loi de finances pour 2025 (no 324) Amendement n°I-706 – Assemblée nationale (Horizons)

(7) Projet de loi de finances pour 2025 (no 324) Amendement n°I-2045 – Assemblée nationale (Ecologistes)