Emergence de la FSFM: Contexte historique

Redéfinir la famille pour en faire partie.
Les mobilisations des « Femmes Chefs de famille » (France, 1963-1982)


Contexte historique de la monoparentalité : L’émergence des Femmes Chefs de famille

Depuis les années 1960, un mouvement essentiel a vu le jour en France, porté par des mères veuves, célibataires et divorcées qui se sont unies au sein de la Confédération Syndicale des Familles. Ces femmes, qui se définissent comme les « Chefs » de leur famille, revendiquent une meilleure reconnaissance de leurs droits et de leur statut familial. Ce terme, bien qu’apparemment paradoxal, a donné naissance à la Fédération des « Femmes Chefs de famille », qui œuvre pour la défense simultanée des droits des femmes et de la famille. Dans un contexte français où la cause féminine et celle de la famille sont souvent perçues comme opposées, cette double revendication souligne l’importance de la monoparentalité dans le paysage social et politique.

L’article référencé retrace les luttes de ces femmes entre 1963, date des premières réunions de mères isolées en France, et 1982, année où elles abandonnent le terme « Femmes Chefs de famille » pour celui de « familles monoparentales ». Pendant ces deux décennies, l’éducation d’un enfant en tant que parent seul prend de l’ampleur et est reconnue comme une nouvelle catégorie d’action publique, coïncidant avec une évolution des normes familiales.

Bien que les recherches de Nathalie Martin Papineau indiquent que l’impact politique de ces mobilisations sur la prise en charge des familles monoparentales par l’État a été limité, il est essentiel de considérer ces femmes dans le cadre plus large du mouvement familial. Leur parcours au sein de la Fédération Syndicale des Femmes Chefs de famille révèle une transformation significative dans la définition de la famille et souligne les liens complexes entre le féminisme et le familialisme, particulièrement dans les années 1970. La reconnaissance de leur mouvement par le paysage familial se fait cependant au prix d’une certaine distance par rapport aux représentations féministes traditionnelles de la maternité.

L’article s’appuie sur une étude approfondie des Archives de la Fédération Syndicale des Femmes Chefs de famille, conservées à la Confédération Syndicale des Familles à Paris. Ces archives, qui s’étendent de 1961 à 1989, contiennent divers documents, notamment des journaux, rapports et procès-verbaux, ainsi qu’un entretien semi-directif avec une ancienne militante de la Fédération.

La première partie de cet article contextualise l’émergence des mobilisations des « Femmes Chefs de famille » et examine leur identité en tant que mouvement féministe ou familial. La seconde partie se concentre sur leur reconnaissance officielle par l’Union Nationale des Associations Familiales (UNAF), un tournant décisif qui a permis une redéfinition de la famille, intégrant toutes les personnes ayant des enfants à charge, indépendamment de leur statut marital. Bien que cette avancée marque un pas en avant pour les droits des familles monoparentales, elle coïncide également avec un affaiblissement des mobilisations des « Femmes Chefs de famille », alors que l’État commence à s’emparer de la question des familles monoparentales.

L’étude des luttes des Femmes Chefs de famille met en lumière l’évolution de la monoparentalité en France et les défis auxquels ces femmes ont été confrontées. Ce parcours historique souligne l’importance de la reconnaissance des familles monoparentales dans le débat public et la nécessité de continuer à défendre les droits des parents seuls dans notre société actuelle.

/ Résumé … /

En 1963, des militantes de la Confédération Syndicale des Familles créent les premières Commissions de « Femmes Chefs de famille » qui ont la particularité de rassembler des mères de famille veuves, divorcées et célibataires. À partir d’un travail d’archives, cet article retrace l’histoire de ces militantes entre 1963 et 1982, ainsi que de leurs mobilisations pour améliorer et faire valoir les droits de leurs familles. À cette époque, elles sont en effet exclues juridiquement de toute représentation institutionnelle des intérêts des familles auprès des pouvoirs publics, puisque l’article 1er du Code de la famille n’admet que les familles unies par le mariage. C’est donc la définition même de la famille que ces femmes sans mari vont tenter de modifier afin d’exister au sein du mouvement familial. Cette étude permet de saisir par la marge, d’une part, les évolutions de la famille comme institution juridique et sociale toujours en devenir et, d’autre part, les relations entre le mouvement familial et l’espace de la cause des femmes au tournant des années 1970 en France.


Auteur : Fiona Friedli, « Redéfinir la famille pour en faire partie. Les mobilisations des « Femmes Chefs de famille » (France, 1963-1982) », Genre & Histoire [En ligne], 16 | Automme 2015, mis en ligne le 16 février 2016, consulté le 05 juillet 2017. URL : http://genrehistoire.revues.org/2337


/ Lire le texte intégral  … / Format PDF