Femme actuelle 04 12 2024

“C’est une réalité dont on parle peu : le quotidien des familles monoparentales est quasiment impossible à tenir et, ce, en tous plans. À l’occasion, d’une table ronde sur l’impact financier de la séparation, Femme Actuelle a eu l’occasion d’échanger avec des femmes, mamans solos, qui contribuent à essayer de changer ce monde.

La situation des familles monoparentales aujourd’hui, en France, “c’est pas la fiesta“. Olivia Barreau, fondatrice de l’association Moi & Mes enfants, plante d’emblée le décor de la table ronde “Familles monoparentales : quel impact sur leurs finances et sur la vie personnelle ?“* qui a eu lieu dans ses locaux parisiens en novembre 2024. “Un quart des familles sont monoparentales, 82 % portées par des femmes et 32 % vit sous le seuil de pauvreté. Il est urgent de faire des choses pour permettre aux familles de retrouver leur souffle, de retrouver un pouvoir d’agir et de l’estime de soi !” Des chiffres glaçants qu’Olivia et les femmes qui l’entourent, toutes des mamans solos séparées, ont expérimentés.

L’impact terrible des séparations sur les familles

Au-delà de l’aspect psychologique, les conséquences d’une séparation sont diverses et touchent tous les membres de la famille… Et toutes les catégories socioprofessionnelles : “Les parents qui travaillent ou ne travaillent pas. Vous avez vraiment toutes les situations et catégories touchées“, déplore  Véronique Obé, chargée de mission de la Fédération des familles monoparentales et maman solo de 3 enfants.

Les conséquences sont les déclassements financier, social et professionnel, trois problématiques liées. “Cela peut intervenir au moment de la séparation ou après. Ce parcours, je l’ai moi-même traversé lors de ma séparation en 2015 et, très vite, sans y prêter attention, je me suis retrouvée dans des difficultés économiques et j’ai dû aller voir un assistant social pour me faire aider sur le paiement des loyers“, raconte Olivia Barreau, qui a fondé son association en 2017 pour accueillir les parents solos et leur proposer un espace cocon familial pour parler, jouer, se reposer, cuisiner et prendre soin de soi.

L’impact financier est le plus lourd et le plus difficile à contourner. À ce titre, 76 % parents célibataires estiment que les contraintes financières sont sous-estimées par la société (80 % chez les femmes) (source : Ipsos 2024). Encore un chiffre inquiétant. En effet, une séparation implique de se retrouver seul à la tête de la famille (même en cas de garde alternée) : “On ne peut plus tout diviser par deux“, rappelle Olivia Barreau. Cela a des conséquences sur le paiement du loyer, des factures et des charges, parfois l’absence de compensation du co-parent (que ce soit au niveau de la pension alimentaire ou des dépenses supplémentaires pour être à parts égales voire équitables) et le très difficile maintien ou retour à l’emploi.

Le vrai prix d’une famille monoparentale

Un enfant à charge coûte 750 euros par mois en moyenne à son parent, selon le ministère de la Santé et de la Solidarité. Quand on sait que la pension alimentaire payée par le co-parent s’élève à 180 euros, “on constate déjà qu’il y a un gros déséquilibre“. Et c’est sans compter sur le coût de la séparation en elle-même.

Or, “pour sortir des vases communicants allocation logement/prime d’activité/allocations familiales, il faut 2.000 euros net de salaire“, explique Véronique Obé. “Quand on a 2.000 euros de salaire, on est sorti des aides sociales, on est complètement autonome mais ça veut dire qu’on paye tout plein pot. Est-ce que le reste à vivre est mieux à la fin ?” En réalité, les parents ont du mal à trouver ou garder un emploi à ce niveau de salaire avec toutes les contraintes liées à la charge des enfants : les horaires de l’école, le coût des frais de garde et le manque de moyens.

À 1.426,30 € le Smic, on est proche du seuil de pauvreté (1.000 euros sans enfant selon le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités, 1.200 euros avec un et 1.400 euros pour une personne avec deux enfants à charge, ndlr)“, chiffre la Fédération des familles monoparentales. Résultat : nombreux sont les parents solos qui arrêtent de travailler, choisissent un travail à temps partiel voire au Smic, en deçà de leurs qualifications. “Parfois, c’est moins avantageux d’avoir un petit emploi que d’avoir le socle des aides sociales et, ça c’est quand même problématique parce ce n’est pas que les familles ne veulent pas travailler, c’est cette situation qui les entretient dans une précarité dont elles ne peuvent pas sortir et je le sais bien parce que je l’ai vécu. On ne juge pas l’administration, on constate“, déplore Véronique Obé.

L’avenir des 2 millions de familles monoparentales françaises (source : Insee 2020) se joue au niveau de l’État, pour Olivia Barreau. “Nous, parents et associations, portons à bout de bras le monde de demain. Notre avenir repose sur tous les acteurs publics et privés et sur la nécessité absolue pour chacun de faire sa part.” Du point de vue de la Fédération des familles monoparentales, les évolutions sont “lentes“. La dernière en date : le recouvrement de pension alimentaire qui garantit 190 euros par enfant grâce à un allongement de l’aide de la Caf. Une mesure “votée à l’Assemblée Nationale mais encore faut-il que ce soit appliqué”, souligne-t-elle en écho aux nombreux remaniements ministériels.

Quant au rapport de la mission sénatoriale de fin septembre, seuls 3 concerneraient les familles monoparentales. Mais, en-dehors de la carte famille monoparentale, pas de réelle avancée ou d’utilité notent Véronique Obé, Olivia Barreau et les autres femmes parties prenantes de la table ronde. Toutes demandent “une levée des freins et la régularisation de mesures juste“. Véronique Obé fait notamment référence à la prise en compte “du niveau de ressources et non pas de la source des revenus” pour des aides comme la Caf, ce qui favoriserait davantage un retour à l’emploi. plutôt que de pénaliser les familles en prenant en compte à la même hauteur des ressources très différentes telles que le salaire, le chômage, le RSA ou encore la pension alimentaire.

*Table ronde “Familles monoparentales : quel impact sur leurs finances et sur la vie personnelle ?”, organisée par l’application de rencontres pour parents solo EVEN

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